Quand 227 enfants envahissent une salle de 320 places

Mardi matin, 9h15. 2e jour des Rencontres Cinématographiques du Sud, So British vol.1 & vol. 2.

Les maîtresses ouvrent la marche. Ils sont petits. Très petits. Ils sont hauts comme trois pommes mais émerveillés lorsqu’ils passent la porte d’entrée. « Oh ! Regarde, un plafond rouge ! » « Oh ! Regarde les vitres ! » Celui qui retint le plus leur attention fut l’affiche de John Carter. Les créatures étranges de l’affiche agissent comme des aimants. Les enfants sont captivés ! Leurs accompagnateurs les comptent, encore et encore. Ils ont tellement peur d’en perdre un qu’ils les encadrent, comme un chien chargé de son troupeau. Ils leur ont même collé des étiquettes avec leurs noms écrits noir sur blanc autour du bras.

Lorsque les maîtresses les autorisent à passer la deuxième porte et à emprunter l’escalier qui permet d’accéder à la salle, les enfants trépignent. Ils accélèrent le pas. Le rang de deux par deux auquel les accompagnateurs tiennent se défait. L’émerveillement continue lorsque la porte s’ouvre. Impressionnés par cette grande salle rouge et noire tous s’exclament : « Ouah ! Oh c’est beau ! Ah c’est grand ! T’as vu les fauteuils ils sont rouges ! ».

Dix minutes plus tard, alors que j’aimais écrire cet article avec ce fond sonore, le hall s’est vidé, ou presque. Je n’entends plus que les personnes chargées de l’accueil qui s’adressent à quelques hommes. En quelques minutes, le hall de cinéma s’est transformé. Il est redevenu un lieu calme dans lequel on parle du film que l’on s’apprête à voir.

J’entre dans la salle 1 du cinéma. Elle est remplie de bambins dont les pieds ne touchent pas le sol une fois installés dans les fauteuils rouges. Leurs voix d’enfants créent un fond sonore aigu. Ils bougent dans tous les sens, ne tiennent pas en place. Souriants, ils se parlent et se demandent quand le film va commencer … Je me dirige vers le haut  pour avoir une vision d’ensemble durant la projection. Je cherche à m’installer à côté d’enfants, pour pouvoir les écouter une fois les lumières éteintes. Lorsque je prends place une petite fille dit à son camarade « Ah, enfin y a quelqu’un qui vient s’asseoir à côté de nous ! ».

Une dame avec un micro entre dans la salle et prend la parole. Elle demande aux enfants s’ils vont bien, et là, ce n’est pas un simple « oui » qui retentit dans la salle, mais un véritable cri de joie. Attentifs à ce discours, certains se redressent et s’appuient sur le siège de devant, comme si avancer d’un mètre leur permettrait de mieux entendre.

Une fois la lumière éteinte et quelques « chuuuuut » plus tard, les enfants regardent le film. Certains sont concentrés, d’autres distraits par la salle, certains restent assis, d’autres font coucou aux spectateurs, d’autres vont aux toilettes. J’observe un « effet boule neige ». Lorsque l’un parle à son voisin de droite, le voisin de gauche s’incruste dans la conversation, puis celui d’à côté… Jusqu’à ce que toute la rangée se mette à parler. Les maîtresses essaient tant bien que mal de les faire taire.

Cette projection cinématographique un mardi matin, à la place d’un cours d’écriture ou de dessin, se transforme en véritable apprentissage de bonne conduite à adopter dans un lieu public. Les enfants apprennent que l’on ne doit pas parler pendant un film et que même si le fauteuil est trop grand pour eux, on ne doit pas mettre ses chaussures dessus. Un hall de cinéma n’est pas une cour de récréation.

Cette matinée fut une merveilleuse expérience cinématographique. Qu’ils parlent, crient, pleurent ou chantent, les enfants ont le pouvoir de transformer une salle de cinéma. En leur présence elle est vivante.  Avec leurs voix, leurs commentaires et  leurs déplacements, les enfants bouleversent un lieu. En plus de nous faire passer un bon moment ils nous intriguent et nous inspirent. Agés de 3 à 6 ans, les élèves de maternelle sont un public unique et extraordinaire.

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Belma Susler

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